Le mythe de la DéesseLa mythologie “purement” wiccaine est pauvre, en effet puisque chaque dieu et déesse qui a étévénéré au cours des âges est considéré comme étant un aspect du Dieu et de la Déesse, la wicca senourrit essentiellement des mythologies des religions antiques. Toutefois, le mythe de la Déesse faitexception à cette règle : c’est l’un des rares récits mythologiques à être propre à la Wicca.Ce texte fut publié pour la première fois par Gerald B. Gardner en 1954 dans son livre Witchcrafttoday, il figure également en annexe de son autre livre The meaning of witchcraft (les deux versions sontquasiment semblables à quelques détails près). Gardner dit avoir reçu ce mythe du coven de New Forest,mais admet néanmoins qu'il se peut qu’il ait été écrit récemment. Vous noterez dans le texte qui suit que la Déesse y est appelé “D*”, G.B. Gardner dit à ce propos“Je n’ai pas le droit de donner son nom, ainsi je l'appellerai D”. Dans les religions antiques, cette pratique étaitcourante : les fidèles connaissaient le nom “commun” de la divinité mais les prêtres chargés de son cultela priaient sous un nom qu’ils gardaient secret. Un véritable pouvoir magique était en effet alors attribuéau nom. Je reviendrai plus en détails sur la question du nom dans un autre article de ce site, lorsquej’aborderai la question du nom wiccain.The Meaning of WitchcraftGerald B. GardnerTraduction : lesitedelawicca.frA cette époque D* n’avait encore jamais aimé, mais elle voulait percer tous les Mystères, même leMystère de la Mort; elle se rendit donc au Monde Souterrain.Les gardiens du Portail la défièrent, “Ôte tes vêtements, laisse tomber tes bijoux; car tu ne peux rienapporter avec toi dans notre monde”.Elle abandonna donc ses vêtements et ses bijoux et fut attachée, comme le sont tous ceux quientrent dans le Royaume des Morts. Sa beauté était telle que le Seigneur de la Mort lui-mêmes’agenouilla et embrassa ses pieds, disant “Bénit soient ces pieds qui t‘ont conduit sur cette voie. Demeure avecmoi, laisse moi placer mes mains froides sur ton cœur”.Elle répondit “Je ne t’aime pas. Pourquoi fais-tu que toutes les choses que j’aime et dont je retire du plaisirpalissent et meurent ?”“Ma Dame,” répondit le Seigneur de la Mort, “c’est la Vieillesse et le Destin contre lesquels je suis sanssecours. Le temps fait que que toutes les choses flétrissent; mais lorsque les hommes meurent, une fois leur tempsécoulé, Je leur donne repos et paix, et force afin qu’ils puissent renaitre. Mais toi, tu es ravissante. Ne repars pas; Resteavec moi.”Mais elle répondit, “Je ne t’aime pas.”Alors la Mort dit, “Si tu refuses de recevoir ma main sur ton cœur, tu devras subir le fléau de la Mort.”“C’est le Destin et c’est mieux ainsi,” répondit-t-elle et elle s’agenouilla; et le Seigneur de la Mort laflagella et elle pleura, “Je connais les douleurs de l’amour.”Et le Seigneur de la Mort dit, “Sois Bénie” et il lui donna le Quintuple Baiser, disant, “A présentseulement tu peux accéder à la joie et à la connaissance”.Et il lui révéla tous les mystères. Et il l’aima et ils furent unis, et il lui révéla toutes les Magies.Ainsi, il y a trois grands évènements dans la vie Humaine : l’Amour, la Mort, et la Renaissancedans un nouveau corps; et la Magie les contrôle tous les trois. Pour être rempli d’amour tu dois revenirau même moment et au même endroit que l’être aimé, et tu dois te souvenir et l’aimer à nouveau. Maispour renaitre tu dois mourir, et être prêt pour un nouveau corps; et pour mourir tu dois naitre; et sansamour tu ne peux naitre. Voici ce que sont toutes les Magies.La quête de la Déesse, une quête spirituelleLa Déesse qui n’avait jamais aiméLe texte commence par “A cette époque D* n’avait encore jamais aimé”,dès la première phrase, on peut être surpris. J’ai en effet lu sur certainsforums “ce texte n’a pas de sens, la déesse est amour”, ce qui est est vrai. En faità mon sens, c’est d’un amour physique dont on parle ici. Cela signifiesimplement que l’on parle de la Déesse dans son aspect “jeune femme” (onretrouve par exemple la virginité de la Déesse chez la Vierge Marie qui estvénérée par les chrétiens). J’en veux pour preuve que lorsque la Déesseinterroge la mort un peu plus loin dans le mythe, elle lui dit : ”Pourquoi fais-tu que toutes les choses que j’aime et dont je retire du plaisir palissent et meurent ?”,ce qui montre bien qu’elle a déjà éprouvé de l’amour.La Déesse sous l’aspect de la jeune femme est le symbole de la jeunesse, dela beauté, de l’innocence, et du commencement de toute quête spirituelle.Cette dernière notion est importante et semble être le fil conducteur dumythe. En effet, dès les premières lignes, il est mis en exergue lorsqu’il estdit : “elle [la Déesse] voulait percer tous les Mystères”.La Déesse se déshabille pour entrer au royaume des mortsUne fois arriver aux portes du royaume des morts, ceux qui engarde le portail lui disent alors : “Ôte tes vêtements, laisse tomber tes bijoux;car tu ne peux rien apporter avec toi dans notre monde”. De façon symbolique, la nudité représente notamment l’absence deprotection et de tricherie, l’exposition, et la sincérité. C’est ce sens quel’on retrouve dans l’expression “se mettre à nu”.Si on poursuit dans le sens de la Jeune Déesse accomplissant une quêtespirituelle, cette étape signifie que pour espérer atteindre la vérité, il fautse débarrasser de ses préjugés et ne pas se mentir à soit même. Lapremière étape de la quête de la vérité commence donc par soi-même,comme le soulignait la célèbre maxime gravée au fronton du templed'Apollon à Delphes ”Connais-toi toi-même”.Le Seigneur de la Mort tombe amoureux de la DéesseJe ne m’attarderais pas sur ce passage du récit. Peut-être a-t-il une fonction autre, mais pour moi, ilest surtout là pour souligner la beauté et l’innocence de la Jeune Déesse.Flagellation de la DéesseJ’ai, pour être honnête, du mal à concilier ce passage avec le reste du mythe. En effet, la phrased’avant, le Seigneur de la mort dit qu’il “ donne repos et paix” aux défunts, etau paragraphe suivant il les fouette ... Certains auteurs soutiennent que cepassage aurait été ajouter par Gardner. Si on veut conserver une certainelogique à notre interprétation, il faut là aussi laisser la flagellation en tantque tel mais la voir d’avantage comme un symbole.Tout d’abord, cela peut signifier qu’il faut être prêt à souffrir pourespérer mener à bien sa quête spirituelle, qu’il ne faut pas s’en détournerau premier obstacle rencontré.De plus, la flagellation est également symbole de purification. Pourles chrétiens, en effet, il est dit dans les évangiles que le Christ fut fouettéavant de mourir sur la croix pour finalement ressusciter. Au moyen-age,des groupes chrétiens sont donc apparus, se flagellant afin de se purifierpour pouvoir accéder au royaume divin. Si avoir un “cœur pur” estassurément la clé de toute quête spirituelle, les wiccains préférerontassurément se purifier par d’autres moyens (comme la méditation par exemple), ne serait-ce que pourrespecter le rede wiccain qui est pour mémoire : “Fais ce que tu veux si ça ne nuit pas”.Le quintuple baiséLe quintuple baisé représente les cinq branches du pentagramme qui est le symbole du Dieu cornu(et de la Wicca dans son ensemble).Le Dieu et la Déesse sont unisDe plus l’union de la Déesse avec le Dieu peut s’apparenter àl’illumination bouddhique (quitter les ténèbres de l’ignorance).L’illumination est le but ultime de la méditation pour les bouddhistes etest également connue sous le nom d’ “union avec Dieu” . Voici ladéfinition donné par wikipedia de l’illumination “Dans son acceptionbouddhique, qui est la plus commune aujourd'hui, ce terme désigne la finalité de lapratique bouddhique, l'Éveil. Il est au-delà de toute description et ne peut êtredéfini que négativement comme la fin de l'ignorance, facteur essentiel de lacoproduction conditionnée, et des trois soifs : désir des sens, désir d'existence ouvouloir-vivre et désir d'annihilation ”. C’est tout à fait cela ici : la déesse parson union avec le Dieu quitte le monde de l’ignorance et se voit révélé“tous les Mystères” et “toutes les magies”.De plus, l’union du Dieu et de la Déesse peut être vue commephysique. La Déesse qui était vierge au début de sa quête cesse de l’être par cette union. Cela estsymbolique de l’achèvement de sa quête : elle n’est plus la jeune fille qui cherche à percer les mystèresmais la mère qui nous les enseigne.La révélation de tous les mystèresLa Déesse qui était déterminé à percer tous les mystères se les voit révélé après s’être débarrassé de ses préjugés et avoirs enduré les épreuves.Le mystère qui lui est révélé par la mort est celui de la vie elle-même : de l’amour de deux personnes naissent un enfant (”sans amour tu ne peux naitre”), celui-ci grandira et mourra afin de pouvoir renaitre (”pour renaitre tu dois mourir, et être prêt pour un nouveau corps; et pour mourir tu dois naitre”). Ce sont troisétapes majeure qui jalonnent la vie et qui sont célébrées dans la plupart des religions. On les retrouvepar exemple dans le christianisme avec le baptême, le mariage, et les obsèques.La symbolique du mythe (la déesse effectuant une quête spirituelle) mise en évidence, on comprend mieux pourquoi dans certains courants de la wicca il est utilisé comme base du rituel d’initiation. Tout ce qui est arrivé à la Déesse arrivera au candidat à l’initiation de façon allégorique.Accepter la mort comme faisant partie de la vieTenter de contrôler les choses incontrôlables de la vie ne mène à rien si ce n’est à la déception. Cette idée est récurrente dans le mythe de la Déesse, et notamment le fait que la mort est un phénomène inéluctable à l’encontre duquel on ne peut s’ériger.Le seigneur de la mort lui-même dit tout d’abord que la mort est due à “la Vieillesse et au Destin” et que contre ces choses, il est “sans secours”.La Déesse ensuite, se soumet elle-aussi au “fléau de la Mort” en disant simplement “C’est le Destin et c’est mieux ainsi”. Cette partie du texte comprise dans ce sens explique pourquoi la déesse ne résiste pas auSeigneur de la mort.Cette interprétation du mythe se rapproche elle aussi de la doctrine bouddhiste. L’homme a beau essayé de tout contrôler, de figer le temps (on refuse le vieillissement par des opérations de chirurgie esthétique par exemple), cela n’est pas possible. Chaque homme est mortel car c’est la conséquence même d’être vivant. Toutefois, cette idée ne plonge pas les wiccains dans le désespoir, car ils croient en la réincarnation. Les derniers mots du mythe sont d’ailleurs clairs à ce sujet : ”Mais pour renaitre tu dois mourir, et être prêt pour un nouveau corps; et pour mourir tu dois naitre; et sans amour tu ne peux naitre. Voici ce que sont toutes les Magies”. Symbole de la mort et de la renaissance de la natureLe thème de la mort et de la résurrection se retrouve dans de nombreux mythes (pour exemple :La descente d'Inanna aux Enfers chez les sumériens, Jésus pour les chrétiens comme nous l’avons déjà mentionné, la mort et la résurrection de Shiva pour les hindous, ...). Tout ces mythes symbolisent la “mort” de la nature durant l’automne et l’hiver, puis sa renaissance au printemps et durant l’été. Le mythe de la Déesse n’y fait pas exception et la Déesse peut également y être vu comme le symbole de l’esprit de la végétation.Un mot de conclusionComme vous l’avez vu, je ne me suis pas attardé sur le débat qui entoure Gardner et ses écrits, et je ne compte pas le faire dans la conclusion. Après tout, le mythe de la Déesse est ce qu’il est : un mythe. Il traduit bien ce qu’est une quête spirituel, expose certaines croyances de bases des wiccains (à propos de la réincarnation par exemple) et certain de ses mots vous réconforteront assurément dans les moments difficiles.Vous êtes évidemment libre d’avoir votre propre interprétation du mythe. Tant que celle-ci vous parait juste, c’est très bien. Et si ce mythe ne vous plait pas, vous pouvez-même totalement l’écarter de vos croyances, celui-ci n’étant véritablement central que dans la wicca gardnérienne et Saxonne.Réagir à cet article sur le forumDernière mise à jour : 29/05/2011 - Me contacter : webmaster@lesitedelawicca.fr